|
|
|
Fonction, poste, métier, exercice, profession, charge, emploi, etc.
|
|
|
L a volonté assez récente de féminiser les noms
de – de quoi précisément, c'est une des questions de ce texte, on dira, «les noms
d'activités sociales statutaires» (ou NASS), pour faire simple… Donc, cette
volonté assez récente (je parle bien sûr de la volonté normative, les milieux
féministes ou libertaires font ça depuis assez longtemps à la sauvage) m'intrigue pour
deux raisons, la première évoquée, qu'est-ce qu'on féminise, et celle corollaire, comment
on le fait. Pour le second cas, il y a cet exemple qui m'agace, les noms en “eure” sur
des masculins en “eur”, dont le notable «auteure», qui aboutit à des déclinaisons (vues
ici et là) comme «docteure», alors que «doctoresse» est d'usage ancien. Cela m'agace pour
deux raisons: l'appauvrissement induit de la langue (puisque, cas indiqué, ça mène à des
néologismes qui effacent des termes d'usage) et la pauvreté d'imagination dont temoignent
celles et ceux qui promeuvent ces formations: la logique requerrait que la féminisation
de «auteur» soit «autrice», par proximité avec les mots du même champ et de même forme:
lecteur/trice, correcteur/trice, éditeur/trice, producteur/trice, réalisateur/trice,
etc.; ergo, auteur/trice. Pour le premier cas la question est autre: que doit-on
féminiser – ou masculiniser ? Car tous les NASS ne sont pas égaux.
La liste du titre énumère un certain nombre de NASS qui désignent donc des activités
sociales statutaires, supposées avoir une valeur et une utilité sociales reconnues, et
qu'on peut diviser en quatre groupes, que je nommerai pour l'instant «emploi», «métier»,
«poste» et «fonction»; les deux premiers ont en commun de référer aux compétences de la
personne, les deux suivants désignent des positions sociales indépendantes de ses
compétences . Il existe un groupe particulier, qu'on peut nommer «charge» ou «mission»,
concernant des activités dont les titulaires sont supposés avoir certaines compétences
qui expliquent qu'on les aie choisis, mais dont on ne peut dire que c'est une compétence
réelle qui a présidé au choix de telle ou tel; on a par exemple le cas des académiciens
français ou des membres d'un gouvernement, d'une «haute autorité»: il est à supposer que
c'est leurs compétences qui présida au choix de ces personnes. Mais ce n'est pas toujours
avéré…
Mon incise sur la masculinisation indique que la question réelle n'est pas celle que
les médias indiquent en général, la féminisation des NASS, mais leur «dégenrisation» ou
«surgenrisation»: tels sont habituellement au masculin, d'autres au féminin. L'idée
serait de «genrer» ces noms en fonction du sexe “réel” de la personne désignée. Ce qui
pose un premier problème: quel est le sexe “réel” d'une personne ? Si je prends mon
cas, mon sexe “réel” serait le sexe masculin; biologiquement, il est effectif que j'ai le
stock génétique d'un être humain «de sexe masculin»; mais s'il me venait l'idée d'ingérer
des hormones «femelles», de subir une opération qui modifie ma conformation sexuelle et,
in fine, si je demandais à l'état-civil de prendre en compte ces changements pour
m'attribuer un «sexe» qui n'était pas celui d'origine, quel serait mon sexe “réel” ?
Le «genre» n'est pas une donnée de nature mais de culture. Pour le biologiste, ces
changements superficiels n'auraient pas d'effet sur son évaluation de «quel est le sexe
de cette personne»; pour l'anatomiste ils auraient un effet; pour la société, ça aurait
peu d'importance: selon la société où l'on vit, la notion de sexe est très variable et
dans certaines, c'est plus une question de choix personnel que de conformation.
|