Blogs, forums, wikis ou sites ?

 U n jour, un de mes correspondants m'a demandé pourquoi je ne maintenais pas un «blog». Il trouvait mon site mal structuré et là-dessus, me demanda pourquoi je ne maintenais pas un blog ! Comme si ceux-ci l'étaient plus… Incidemment, entretemps j'ai (un peu) réorganisé le site, mais je ne sais pas s'il est tellement mieux structuré. Selon moi oui, mais c'est moi qui l'ai organisé ainsi, alors ma perception est un peu faussée. Sinon, dans ma réponse je lui fis brève typologie des sites, et décrivais les blogs ainsi:

«Après, il y a la multitude des sites «genre blog», disons, les sites d'humeur où l'auteur veut nous faire part de ses opinions sur l'état du monde ou son chien ou son poisson rouge, ou Chirac, ou tout sujet qui motive ses humeurs».

Je crois que je n'ai pas vraiment changé d'opinion, du moins sur la majorité des blogs existants. Car certains sont utilisés autrement que selon le dogme: un mainteneur unique et des contributeurs multiples qui «réagissent»; certains n'autorisent pas les réponses, d'autres sont des sortes de forums plus ou moins ouverts. La forme n'est donc pas tout: l'avantage du blog est sa facilité de mise en œuvre, mais certains n'ont pas envie d'en user «en tant que “blogs”», c.-à-d. comme des sortes de journaux personnels ouverts aux critiques et commentaires. Cependant, quand par hasard, lors d'une navigation, je tombe sur un blog (en général, lors d'une recherche), rarement je découvre autre chose que ce que dit: un gars qui me parle de Chirac ou de son poisson rouge à-peu-près avec la même pertinence. En plus, les contributeurs vont dans le même sens que l'auteur ou pratiquent le même sport que sur beaucoup de forums: débiner les autres contributeurs, ou le mainteneur. Super-intéressant !…

Cessons ce mauvais esprit. La discussion de cette page concerne donc les quatre formes dominantes, à l'heure actuelle, de «sites»: les sites proprement dits, les forums, les blogs et les wikis. Historiquement, les forums électroniques sont apparus les premiers, dès 1979; ensuite viennent les «sites Internet» (qui sont en réalité des «sites www/http» utilisant le réseau Internet) se développent à partir de 1989 / 1990; le concept des wiki naît en 1995; les blogs apparaisesent à la toute fin de la décennie 1990. Il y a d'autres manières de communiquer via Internet ou via les protocoles les plus courants, mais du moins, la grande masse des sites accessibles à travers un accès par FAI sont dans ces quatre cas.

Les sites proprement dits, qu'on nomme usuellement «sites personnels», ne sont pas modifiables par d'autres leur(s) mainteneur(s). Il est abusif de les nommer «sites personnels», car beaucoup sont gérés par plusieurs personnes physiques ou morales et n'ont donc rien de très personnel. Factuellement, tous les sites existants sont de cette sorte, les autres formes étant des éléments de sites. Par exemple, ce site même est un «site personnel», mais il comporte une partie «forums» et pourrait, si je l'envisageais, intégrer une partie «blogs» ou une partie «wiki», voire être restructuré complètement pour «devenir» un site purement forums, blogs ou wikis. Dans une bonne partie des sites existants on a d'ailleurs cela: une partie fixe modifiable par les seuls mainteneurs et une partie ouverte, sous une ou sous plusieurs des trois autres formes. Leur spécificité première est donc que l'expression y est contrôlée, filtrée, réglée par un utilisateur précis, même si collectif. L'autre spécificité, mais qui tend à se réduire depuis l'apparition de prestataires de sites «clé en main» ou de logigiels qui permettent de créer son site à partir de modèle, est sa singularité: ce site même ne ressemble à aucun autre site (sinon certains des autres sites que j'ai créés) car il reflète ma propre façon de considérer comment un site doit être organisé; et on en dira autant de tout site personnel ne reposant pas sur un modèle. Cela dit pour la partie «personnelle»: n'ayant pas étudié la manière de gérer des pages «dynamiques» permettant de créer et gérer des forums (PHP, CGI ou autre), cette partie est similaire à tous les forums créés à partir du modèle que j'ai choisi.

Formellement, il y a deux sortes de forums: ceux créés par un programmeur et ceux standardisés (bien qu'originellement créés par un programmeur, bien sûr…). Pour ceux que j'ai fréquentés (comme visiteur surtout), les forums des sites lemonde.fr, liberation.fr, franceculture.com ou de l'émission Arrêt sur image sont de la première sorte; mais une bonne part des forums sont standardisés, pour la très mauvaise raison que la réalisation de telles structures est une opération qui requiert nettement plus de temps ou/et d'argent que celle consistant à maintenir des pages comme celle-ci. Un forum est un objet assez complexe, pour dire le moins. Au-delà de la forme, d'évidence le fonctionnement général des forums est assez similaire d'un site à l'autre: une page principale exposant les diverses catégories; pour chaque catégorie une ou des pages présentant chaque forum; pour chaque forum une ou des pages présentant les contributions. Après, il y a plusieurs rubriques en nombre variable selon la façon dont les concepteurs de chaque forum l'ont imaginé: a minima une rubrique de gestion du site, le plus souvent une rubrique «inscription» et dans ce cas des rubriques «liste des membres» et «connexion / déconnexion». Pour les visiteurs et contributeurs, Le cœur de la chose étant les parties proprement forums, le reste a peu d'importance ici. Du fait probablement de leur ancienneté, mais aussi du fait que d'un site de forums l'autre les projets qui les motivèrent sont très variables, ceux-ci ont une assez grande diversité quant à la manière dont on y accède, du plus «privé» au plus «public», du plus «fermé» au plus «ouvert», du plus spécialisé au plus généraliste, du plus sectaire au plus accueillant.

Les notions de privé, public, fermé et ouvert sont entre guillemets parce que dans le cadre d'Internet ça ne peut pas avoir le même sens qu'ordinairement: un forum réellement privé ne le serait que dans le cadre d'un «intranet», qui est justement la forme privée del'Internet, accessible uniquement par des personnes intégrées à un réseau privé; dès lors qu'il se trouve sur Internet, il est public. Ceci s'applique donc aux forums qu'on ne peut accéder que si l'on est un membre inscrit. En contraste, le forum intégralement public serait celui où personne n'est membre, et là non plus ce n'est pas strictement possible parce qu'il faut au moins un mainteneur, et que pour modifier le cadre général d'un forum il est obligatoire de s'identifier; le plus proche de ce «le plus public» est le forum où n'importe qui peut être contributeur, modérateur et administrateur san avoir à se déclarer (s'inscrire) dans l'une de ces fonctions. Je ne dis pas que ça n'existe pas mais du moins, pour l'heure je n'ai pas vu de forums «le plus public»: au moins pour les administrateurs la fonction nécessite de se déclarer. La forme la plus proche de ça que j'ai pu observer sont des sites où la «modération» est faite par les contributeurs même, qui signalent et parfois peuvent censurer des contenus jugés offensants ou illégaux, ou non admissibles pour diverses raisons. Par contre, il existe bien des forums privés où pour lire et écrire les contributions on doit être préalablement inscrits, ou bien être préalablement inscrit à un service qui y donne accès.

Les forums «fermés» sont ceux qui édictent des règles strictes quant aux contenus autorisés, dans le fond ou dans la forme: pas de contenu politique ou d'une certaine orientation politique, pas de propos de telle et telle sorte, pas plus de telle longueur pour une contribution, pas de «gros mots» et pas d'injures, pas d'écriture style SMS, pas de mots en majuscules, etc. Par contraste, ceux ouverts sont ceux où ces limites ne sont pas établies. Là encore, si on observe des forums qui correspondent assez à l'extrème d'un de ces pôles, la fermeture, je n'en ai pas encore vu allant vraiment à l'autre extrème, car même dans les plus tolérants certaines choses ne seront pas admises. la majeure partie des forums se situe dans un spectre intermédiaire, sinon qu'ils tendent en général vers l'un ou l'autre pôle. La question de la plus ou moins grande généralité est évidente, je crois: certains forums sont proprement généralistes, et on y discute de tout et n'importe quoi, mais une large part d'entre eux ont une certaine spécialisation, que ce soit dans la catégorie de leurs sujets (sites d'actualité, de réflexion, etc.) ou dans les domaines traités (société / sociologie, politique, informatique, littérature, etc.). La spécialisation est infinie, pour ne prendre le cas que de l'informatique, on y trouvera des «sites généralistes» en ce domaine, d'autres traitant uniquement de jeux, ou de bureautique, ou de programmation, et dans ces domaines, tel ne s'intéressa qu'à “Les Aventuriers du Hamburger Sauvage”, tels uniquement à Open Office ou Microsoft Office, tels aux traitements de textes ou aux tableurs, tels au Pascal ou au PHP, ou même, dans le dernier cas, tel se spécialisera dans la gestion de bases de données avec PHP, etc.

La question des sites tolérants ou intolérants est à la fois simple et complexe, car liée aux autres éléments. Simple car un site «tolérant» est celui qui censurera le moins possible, inversement pour celui «intolérant». Complexe car ce qu'on «censure» est très divers. La première censure est celle qu'induit le fait de créer un site fermé: par nécessité, tout internaute non inscrit y est censuré d'avance. C'est donc une censure mécanique qui ne préjuge en rien de la forme ou du contenu des contributions. Ensuite, il y a la censure liée à la spécialisation: quelqu'un qui aurait l'idée saugrenue de lancer une discussion sur la programmation Pascal dans un site dédié au PHP, ou une discussion sur les fondements philosophiques de la notion de personne dans un site ne traitant que de sujets d'actualité, serait «censuré», sans pour cela que les mainteneurs du site jugent inconvenants le propos ou la forme. Ce qui n'augure pas du sort de contributions de cet ordre dans un «fil» (un sujet) déjà existant: si quelqu'un proposait une solution à un problème de création de pages PHP qui en passe par l'usage d'un programme écrit en Pascal, ou se lançait dans l'analyse de la question de personne en philosophie quand une actualité serait liée au statut des personnes dans telle situation, ne se verrait probablement pas censurée. La question formelle est bien sûr rhédibitoire: si sur tel site on proscrit les contributions en style télégraphique, quelle que soit la pertinence du propos, celles de cette forme seront éliminées.

Au-delà, il y a ce qu'on peut appeler la politique générale du site, sa «charte», qui fixera des règles plus ou moins précises, il y a son orientation propre, et bien sûr, on verra les mêmes phénomènes de rejet sectaire proprement dit, ou de rejet catégorique ou ontologique, que n'importe où ailleurs dans l'espace de la société, avec cette limite qu'il est encore plus problématique sur Internet qu'ailleurs de vérifier que tel ou tel n'entre pas dans les catégories d'individus qu'on refuse par avance, sinon (et encore) dans le cas des sites privés: vous pouvez toujours édicter une règle du genre «interdit aux Noirs, aux Jaunes et aux Arabes», «interdit aux racistes», «interdit aux fascistes», «interdit aux communistes» ou «interdit aux lacaniens», ce n'est pas en scrutant la couleur ou la forme de leur texte que vous les identifierez; et si à un moment quelque chose vous donne l'indice (peut-être faux, probablement faux) que tel contributeur est d'une des catégories d'individus proscrites, vous aurez beau l'interdire de contribution sous son «identité» de “Populo Premier” à l'adresse “populo1@republique.net”, rien ne l'empêchera de se réinscrire en tant que “Monarque Premier” à “monarque1@royaute.com”. Ce qui, incidemment, montre je crois assez bien l'impéritie des préjugés de ce genre.

La séparation formelle entre «wikis» et «blogs» n'est pas évidente, si leur opposition fonctionnelle est relativement nette. Il existe des sites intermédiaires, tel «rezo.net», formellement très proches des blogs (un «auteur» propose un texte initial et des «commentateurs» en discutent par après), mais dont l'esprit est proche des wikis: la création participative de contenus. Du fait de leur forme, de nombreux contributeurs tendent à participer à ce genre de sites comme ils le font sur les blogs ou sur les forums: donner son opinion sur le texte initial, ou sur une partie du texte, ou sur une contribution antérieure, ou sur Chirac, ou sur son chien (le sien propre ou celui de Chirac…), faire des attaques (ou des laudations) ad hominem envers l'auteur initial ou les contributeurs, sans strictement participer: ajouter des informations, des propositions, préciser tel ou tel point, etc.

Les wikis, dont le plus célèbre est le fameux «Wikipedia», l'encyclopédie libre multilingue et internationale créée en janvier 2001. Si vous voulez tout savoir sur son histoire, rendez-vous sur le site. Le principe des wikis est simple: une personne crée un module (une entrée); d'autres personnes peuvent ultérieurement le modifier, soit en le complétant, soit en le corrigeant sur la forme ou sur le contenu, soit en ajoutant des notes en annexe ou en lançant des discussions sur la forme ou le fond, ou l'utilité (en général, plutôt l'inutilité) du module, soit en le supprimant. Il s'agit donc d'une maintenance participative, au sens où il n'y a pas un auteur unique et des textes fixes ou modifiables par le seul auteur ou par les mainteneurs du site, avec accessoirement la possibilité de contributions ultérieures, ni dans celui des forums où chaque intervention s'ajoute aux précédentes sans les modifier, mais des interventions multiples sur un texte unique par des auteurs divers. Comme pour les autres formes, il y a beaucoup de niveaux d'ouverture, depuis les wikis «privés» jusqu'à la liberté totale d'accès; et comme pour les autres formes, si l'on observe bien des wikis privés on n'en constate pas de totalement ouverts, sinon durant la phase initiale et idéaliste de création du site. Le cas de la Wikipedia est significatif en ce sens: comme l'indique la page de l'encyclopédie qui décrit le projet, un de ses présupposés (une des ses «filiations culturelles») est «l'anarchie comme modèle d'organisation, conduisant à un égalitarisme radical où tout le monde peut modifier un texte et où personne n'a de pouvoir sur les autres». Dans les faits, ce présupposé a du être quelque peu écorné, pour trois raisons principales:

  • la nécessité fonctionnelle d'avoir des administrateurs pour la gestion du site et des «contrôleurs» qui s'occuperont de vérifier la forme des modules (syntaxe, orthographe, compréhensibilité) et traquer les doublons (plusieurs modules pour un même sujet);
  • le fait qu'au cours du temps des règles ont été fixées en ce qui concerne le contenu des modules, notamment le fait qu'une fondation ou association «Wikipedia» doit respecter les lois du pays où elle est déclarée, ce qui implique une certaine censure et induit la division des internautes en deux groupes: ceux qui ont le droit de contribuer et ceux qui l'ont perdu suite à «un certain nombre» de contributions censurées;
  • le «vandalisme», apparu avec la notoriété du site, qui consiste en le fait qu'une personne va publier ou modifier un module pour y insérer des informations fausses ou non vérifiées (par exemple, la réalité de l'existence Dieu est-elle une information fausse ou non vérifiée ?) en vue d'orienter la perception des visiteurs sur tel fait ou telle personne, ou y faire de la publicité, qui a encore une fois amené à une division entre les contributeurs «inscrits» depuis «un certain nombre de jours» et les autres.

Les «wikipédiens» (comme les appelle cette page) ou plutôt ceux d'entre eux qui se désignèrent de leur propre chef «responsables» de l'encyclopédie, ont du constater cette triste réalité: dans une société à la philosophie de base assez agonistique on se trouve vite confronté à un problème simple, pour éviter d'être agressé il faut «faire la police» et instaurer de l'ordre, des interdits, des limites, faire la différence entre «bons» et «méchants», personnes acceptables ou non, bref, créer de l'inégalité. L'anarchie n'est possible que dans une société anarchiste, sinon elle induit de l'anarchique. Tous les wikis publics et ouverts ont d'ailleurs à faire avec le même problème: une ouverture réelle et totale dans un cadre social qui prône la lutte de chacun contre chacun, de tous contre tous, de chacun contre tous et de tous contre chacun, ça vire assez vite à la foire d'empoigne et au n'importe quoi.

Les blogs sont donc la dernière forme en date des sites les plus courants. De ce que j'en puis comprendre, c'est une forme destinée à disparaître dans leur forme première pour se réorienter vers une des autres formes, et c'est d'ailleurs une chose en cours. Au départ, le terme d'où blog dérive, et qui est “web-log”, désigne quelque chose de très précis: le point d'accès (ou “log”) sur le web qui sert d'espace personnel à un particulier. Une sorte d'agenda-carnet de notes-journal-pense-bête électronique dont l'avantage est une disponibilité mondiale: quel que soit l'endroit où je me trouve, il me suffit de trouver un point d'accès à Internet pour consulter ou modifier mon «web-log». Autre avantage, je peux à tout moment partager ces informations avec des tiers et même, si besoin est, les autoriser à y ajouter des notes. C'est l'extension à Internet d'une chose qui existait déjà dans les réseaux privés, l'agenda partagé. Comme le précise notre bien utile Wikipedia, «Les premiers blogs [étaient présentés] sous la forme d'un carnet de bord recensant les pages Web (au moyen d'une liste d'hyperliens) que l'auteur avait jugées intéressantes, accompagnées de commentaires». Mais assez vite, ils ont évolué vers des sites «à contenu»: journal intime, “dazibao”, etc. Ce qui faisait leur particularité (et continue, pour les blogs première manière, à la faire) est à la fois leur simplicité de mise en œuvre et leur fixité formelle: n'importe qui peut ouvrir un blog en dix minutes sur «SkyBlog» et tout le monde aura le même que ceux créés sur le même site d'accueil.

Le problème est évident: le 22/08/2006 à 16:08 il y a, me dit le site en question, «5.572.927 Skyblogs, 284.757.060 Articles, 504.590.481 Commentaires» et «Aujourd'hui, 8.853.Skyblogs créés, 487.331 Articles publiés»; à 16h09, «5.572.925 Skyblogs, 284.757.027 Articles, 504.591.276 Commentaires» et «Aujourd'hui, 8.859 Skyblogs créés, 488.327 Articles publiés»; à 16h10, «5.572.950 Skyblogs, 284.758.256 Articles, 504.592.435 Commentaires» et «Aujourd'hui, 8.884 Skyblogs créés, 489.556 Articles publiés». À 16h16, on a «5.573.055 Skyblogs, 284.761.538 Articles, 504.598.130 Commentaires» et «Aujourd'hui, 9.023 Skyblogs créés, 495.734 Articles publiés»; une minute plus tard, on a «5.573.056 Skyblogs, 284.761.934 Articles, 504.600.037 Commentaires» et «Aujourd'hui, 9.038 Skyblogs créés, 496.950 Articles publiés». Ce qui donne, à 16h09 33 articles en moins, 795 commentaires en plus, 6 Skiblogs créés, 996 articles publiés en une minute; à 16h 10, 1.229 articles et 1.159 commentaires en plus, 25 Skiblogs créés, 1.229 articles publiés en une minute, à 16h16, 3.282 articles et 5.695 commentaires en plus, 139 Skiblogs créés, 6.178 articles publiés en six minutes, et à 16h16 396 articles et 1.907 commentaires en plus, 15 Skiblogs créés, 1.216 articles publiés en une minute. Les premières valeurs mettent en évidence un phénomène génant: chaque minute, de nouveaux blogs se créent, mais d'autres disparaissent. Génant, car une base de l'Internet est la stabilité des informations qu'on y trouve. L'autre phénomène génant est bien sûr l'inflation permanente d'articles et de commentaires: en huit minutes, il s'est créé pour les seuls «Skyblogs» 4.874 articles et 9.556 commentaires, soit 609 articles et 1.195 commentaires à la minute; un sondage à 16h46 donne 16.829 articles et 36.815 commentaires de plus qu'à 16h16, soit 561 articles et 1.227 commentaires à la minute. Reporté à une journée de seize heures environ, et avec une valeur moyenne de 600 articles et 1.200 commentaires, ça donne 576.000 articles et 1.152.000 commentaires. Je ne sais pas pour vous mais pour moi si j'arrivais, en ne faisant que ça, à en consulter même le dixième dans ma journée, ce serait miracle.


J'évoquais les formes principales actuelles, mais on nous parle déjà du «web 2.0», un nom commercial désignant une réalité floue. D'un côté, il y a la réalité d'une évolution significative des outils et méthodes utilisés sur Internet, qui modifient de beaucoup les pratiques. Comme le remarque un article sur le sujet, la majeure partie de ces outils et méthodes existe depuis cinq à dix ans, mais ce n'est que récemment (depuis 2002 ou 2003) qu'ils se sont consolidés pour donner peu à peu un ensemble assez cohérent qui permet aux pages Internet d'être «dynamiques», d'adapter leurs contenus et leurs fonctions selon les usages qu'on en veut avoir. Mais cette désignation de «web 2.0» n'a pas de sens autre que celui dit d'appellation commerciale, puisque de toute manière l'Internet dans sa partie «world wide web» est en perpétuelle évolution. Comme le dit un article de… Et oui, de Wikipedia,

«Le terme a été inventé par Dale Dougherty de la société O'Reilly Media lors d'un brainstorming avec Craig Cline de MediaLive pour développer des idées pour une conférence conjointe. Il a suggéré que le Web était dans une période de renaissance, avec un changement de règles et une évolution des business model. Dougherty a donné des exemples au lieu de définitions: “DoubleClick, c'était le Web 1.0. Google AdSense, c'est le Web 2.0. Ofoto, c'était le Web 1.0. Flickr, c'est le Web 2.0”».

Bref, le «web 2.0»™ est ce dont on dira, «C'est du “web 2.0”». Pour une approche plus formelle, après avoir lancé son slogan le nommé Dougherty en a donné une définition, un peu plus de deux ans après:

«Dans l'exposé d'ouverture de leur conférence, O'Reilly et Battelle ont résumé les principes clés qu'ils estiment caractéristiques des applications Web 2.0: le Web en tant que plateforme; les données comme “connaissances implicites”; les effets de réseau entrainés par une “architecture de participation”, l'innovation comme l'assemblage de systèmes et de sites distribués et indépendants; des business model poids-plume grâce à la syndication de contenus et de services; la fin du cycle d'adoption des logiciels (“la version bêta perpetuelle”)».

Excusez les termes barbares, on voit que les rédacteurs de l'article ont l'habitude de ces vocables étranges en usage chez les gens de marketing et les ingénieurs: «business model», «sites distribués», «syndication», ««cycle d'adoption», etc. Factuellement, ce que nous décrivent ces braves gens est, d'une part le fonctionnement général de ce qu'on appelle le logiciel libre et celui des blogs, sauf pour une chose: la question du (sic) «business model». Le slogan du «web 2.0»™ revient clairement à ceci: comment faire du fric avec quelque chose qui n'en fait pas en présentant ça comme une «évolution technologique future», alors même que ladite «évolution» est largement un fait du passé. Prenez l'exemple qu'on donne souvent d'application «web 2.0»™ ayant connu un succès très rapide et vraiment énorme: “myspace.com”. Le nombre de sites réputés «personnels» serait de l'ordre de cent millions; c'est «l'espace des amis», ergo ceux qui y ont leur site ont aussi cent millions d'amis… Il semble qu'à l'heure actuelle, août 2006, il se crée 500.000 nouveaux sites chaque semaine, ce qui implique, à niveau constant, un doublement à 200 millions de sites vers juin 2010. Mais comme justement ces choses sont inconstantes, on peut prévoir la chose plus tôt, ou jamais, ça dépend de la réussite du «business model»… Là-dessus, les chiffres donnés sont équivoques: le site existe depuis 2003, ce qui signifie, selon moi, que le taux actuel de création de sites devrait être supérieur à 71.500 par jour, mais bon, je me trompe probablement. Passons.

Le site d'accueil “myspace.com” représente le degré zéro du site personnel: il n'y a rien à définir, on peut le créer en deux minutes, et tous ont la même forme: un «profil» genre fiche signalétique, une section «Qui j'aimerais rencontrer», une section «le “top” de mes amis» (des “amis” qui ont un site “myspace.com”), enfin un blog. Plus d'autres facilités (placer des images, des sons, des vidéos, modifier intégralement le site en le personnalisant avec des pages HTML spécifiques, etc.). Le «degré zéro du site web», c'est comme le degré zéro de l'écriture: une base à partir de quoi chaque auteur va ou non développer un style propre. Une amoureuse parlant de son cher et tendre pourra le dire «formidable et très gentil» ou évoquer son «lion superbe et généreux»; le sens dénotatif se vaut; pour ce que ça connote, ça diffère beaucoup; formellement, on passe du prosaïque au poétique. Avec “myspace.com” on a la même chose: certains l'utiliseront dans sa forme initiale très linéaire et pauvre et auront ainsi le même «mon espace à moi» que tout le monde; d'autres le personnaliseront peu ou prou jusqu'à en faire un véritable espace personnel. Comme vous le savez, il y a bien plus d'«écriveurs» que d'écrivains, de gens qui n'usent que de l'écriture à son degré zéro que d'inventeurs d'images et de formes littéraires. Et on le devine, il y a plus de créateurs de «sites zéro» que de recréateurs de leur espace.

C'est logique, et on se trouve là avec la même limite qu'ailleurs: plus un site est complexe ou personnalisé, plus les compétences et connaissances nécessaires à sa création et à sa maintenance sont importantes. Comme je le précisais, j'ai opté pour une partie «forums» standard, parce que je n'ai pas les connaissances et compétences nécessaires à la création originale de cette partie; de même, les «blogueurs» choisissent cette forme parce qu'elle ne nécessite pas de savoir gérer même un minimum l'arrière-plan, comme le requerrait une forme un peu plus complexe telle que l'outil de création de site «SPIP», ou ses équivalents; “myspace.com” est encore le niveau en-dessous: on n'a même plus besoin de savoir ce qu'on mettra dedans, c'est construit d'avance. Bref, on passe d'une simplification de la forme à une simplification du contenant, puis d'une simplification du contenant à une simplification du contenu… Vous l'aurez perçu avec le nombre de sites “myspace.com” (ou «profils»), le problème d'éjà évoqué pour les blogs est ici démultiplié: à l'heure actuelle, le nombre estimé de blogs est… variable mais important: entre 40 et 80 millions, avec une estimation généralement admise alentour de 60 millions. Je doute: on a vu que sur le seul site «Skyblog» il en existe quelques 5,5 millions; s'il en existe le double seulement en France, autant dans les sept ou huit autres pays équivalents, soit une dizaine, le quadruple dans les quatre pays «avancés» en la matière et le sextuple aux États-Unis, on arrive déjà à plus de 400 millions de blogs. Selon moi, on doit plutôt tourner au-delà de 200 millions de blogs, mais je me trompe peut-être, restons-en à 60 millions.

Quand je discute d'Internet, j'en viens toujours au constat de l'impossibilité de consulter l'ensemble d'un segment. Il est peu envisageable, même en en restant à notre nombre semi-officiel, de simplement accéder à tous ces blogs, sans même parler de les lire: à deux visites par minute pendant huit heures par jour, 365,25 jours par an, il faudrait 171 ans pour finir le parcours… Et nous voilà avec “myspace.com”: avec les 100 millions de sites annoncés à la mi-août 2006, et à la même cadence, on en est à 285 ans de parcours intensif sans lecture. Raison qui me fait dire que les blogs et les sites «web 2.0»™ style “myspace.com”, car il faut savoir que ledit “myspace.com” n'est qu'un parmi d'autres sites de génération de «profils»; certes celui qui a le mieux réussi, pour l'heure, mais un parmi d'autres. D'un certain sens, «SkyBlog» s'apparente assez à “myspace.com”: un formatage poussé, des «profils» (bien que moins stricts), de la publicité de tous les côtés et même en façade (accéder à un «Skyblog» c'est l'assurance d'une de ces pubs invasives qui se mettent en avant de la page, et parfois d'un «pop-up», mais ça, mon navigateur le bloque), sans compter les pages «personnelles» qui sont de la publicité en soi et, fin du fin, les faux «sites personnels» qui sont en réalité des points d'entrée vers un site promotionnel (ce qui n'est pas la même chose que les «sites de pub», “réels” «sites personnels» sinon que leur seul but est la promotion commerciale du mainteneur: le deuxième cas est du genre faux site de «fan» sans contenu propre qui redirige vers un site de maison de production de disques ou de films).

Que ce soit le «web 2.0» dans cette forme ou la «blogosphère» stricto sensu, je pense que ça disparaîtra de la même manière que disparut la première tentative massive de conversion de l'Internet au «tout commercial», vous savez, le fameux «éclatement de la bulle Internet», pour diverses raisons dont la première est le fait que, comme on dit chez les “marqueteurs”, le business model ne fera pas la preuve de sa rentabilité: je crois qu'assez vite, disons quatre ou cinq ans, les annonceurs qui misent sur Internet s'apercevront que les autres internautes font comme eux-mêmes: quand ils surfent ils ignorent les publicités, ne cliquent pas dessus, se dépêchent de fermer les «pop-ups» (quand ils n'installent pas un filtre pour les bloquer), apprennent à déterminer quels sites, parmi ceux à contenu équivalent, sont le moins susceptibles de contenir des pubs, ou même, comme moi depuis que j'ai décidé de lutter contre ça activement, installent des sous-programmes fonctionnant avec leur navigateur qui apprennent à censurer des adresses spécifiques (qui empêchent par exemple l'affichage d'une inclusion quand elle provient du site “pubs.lemonde.fr”). Imaginez, par exemple, que quand j'accède au site “lemonde.fr”, aucune publicité n'apparaît ! Miraculeux, non ? J'ai des petits carrés gris ou un message d'erreur «impossible d'afficher la page», à la place. Remarquez, ce n'est pas tant que je ne voulais pas de pubs sur la page, de toute manière je ne les regarde pratiquement jamais, et quand je le fais c'est dans d'autres buts que de savoir quelle nouvelle chose je vais acheter, la raison qui m'a motivé à censurer les publicités est le fait que, à un certain moment, les publicitaires se mirent à utiliser massivement des «animations flash», et que le temps de chargement des pages devenait rhédibitoire: après mise en place de la censure, le temps d'accès moyen à une page de ce site a été divisé par quatre ou cinq…

Ça, c'est la disparition programmée des «portails» spécialisés dans les blogs ou dans les «mon espace personnel» clonaux à forte quantité de publicité agressive. Ce qui n'induit rien quant à la pérennité des blogs et «mon espace» en tant que structures secondaires d'un site à «valeur ajoutée», comme celui déjà cité lié au journal Le Monde, ou au site liberation.fr, ou d'autres du genre. Ici, on se confronte au même problème que celui qui existe déjà pour les sites plus traditionnels, tel celui-ci, mais accru: abondance de biens nuit, quand chaque «bien» a une valeur moyenne basse. Il est très agréable d'avoir une infinité de billets de 500€, nettement moins de détenir une infinité de pièces d'un kopek (valeur actuelle: 0,03 cts/€); or, la «valeur» des sites est souvent plus proche de 1 kopek que de 500€. Soyons charitable, disons que leur valeur est souvent plus proche de 1 rouble que de 10 euros. L'intérêt de mettre un site en ligne et de le maintenir devient vite limité quand il ne reçoit pas de visites, et on tombe souvent, au hasard de ses explorations, sur des sites qui n'ont plus été mis à jour depuis 2002, 2000 ou 1998, et qui souvent n'ont même plus une adresse de contact valable. Ce qui ne signifie pas que leur créateur n'en maintient plus, simplement il se sera rendu compte, à un moment, que ce site-là n'attirait pas le chaland, et en général à bon droit. Pour mon compte, si j'en étais resté au niveau de visites que j'avais en octobre 2003 sur ce site, moins d'une par jour, je ne suis pas sûr que j'aurais continué à le maintenir. Et en toute honnêteté, je pense que sa faible fréquentation n'était pas injustifiée.

Donc, 5,5 millions de «Skyblogs» en août 2006 et encore autant par ailleurs, pour la seule France, car j'y reviens, la valeur ordinairement retenue est très probablement inférieure à la réalité. En janvier 2006, sur cette page on pouvait lire:

«Sur le nombre de blogs actifs et non actifs, le chiffre avancé est le fruit d’une interview des principales plateformes. Nous sommes plus proches de 6 à 7 millions que 2 à 3 millions car rien qu’en reprenant les totaux des blogs déclarés actifs chez Skyblog et MSN Spaces en France, on arrive à plus de 5 millions de blogs considérés comme actifs».

Souligné par l'auteur du texte. Entretemps, le nombre n'a pu que progresser et serait donc de l'ordre de mon évaluation. Comme la France n'est pas le pays le plus pourvu en internautes (même s'il est un de ceux ayant eu la plus forte progression depuis 2002), le nombre de 60 millions pour le monde entier me paraît déraisonnablement bas. Il est intéressant de noter l'écart entre l'estimation de cette page, qui repose apparemment sur un véritable travail d'évaluation, et celle donnée par Le Monde, et que nous donne l'auteur de la page: un écart de 1 à 2 ou de 1 à 3. La page en question donne d'autres informations intéressante, notamment le fait qu'il semble qu'environ 10% des internautes français ont créé au moins une fois un blog. Intéressant, parce qu'à l'époque, le nombre d'internautes semble avoir été d'environ 24 millions; comparé aux probablement 6 à 7 millions de blogs «actifs», ça signifie qu'un créateur «actif» de blog en maintient en moyenne environ trois. Ce qui ne m'étonne pas: pour les autres types de sites il en va de même, et très souvent un même mainteneur crée autant de sites qu'il a de centres d'intérêts irrecouvrables. Autre précision notable de notre auteur, celle-ci:

«Une distinction semblerait nécessaire entre:
♦ les blogs "outils conversationnels" complémentaires à l'usage des messageries instantanées (la plupart des Skyblogs)
♦ et les blogs dits "adultes", qu'il faudrait eux-même sous-segmenter entre carnets de bord/carnets intimes, blogs dit professionnels et blogs thématiques, même si la frontière entre ces différentes catégories est souvent loin d'être évidente».

C'est exactement ce que je pense, et je le pense parce que je le constate: beaucoup de jeunes adultes et d'adolescents utilisent l'opportunité que leur offre leur «prestataire de messagerie instantanée» de créer un réputé blog dans son usage initial: agenda, pense-bête et partage d'informations, mais avec un groupe de pairs identifiés, amis ou/et camarades d'école ou collègues, et non pas «espace d'expression» à destination du monde entier. Le caractère «public» de cet espace ne leur pose pas problème parce que ce n'est pas le lieu d'échanges proprement «privés», ou confidentiels. Pour ce genre d'échanges ils ont tout un tas d'alternatives: la messagerie instantanée, justement, les courriels, les SMS, le téléphone, et bien sûr la bonne vieille méthode ancestrale: l'échange direct en vis-à-vis, qui reste encore la plus fréquente. Cela n'empêche bien sûr pas certains de maintenir, par ailleurs, des blogs publics, des sites, des forums, mais on est là dans le même type de cas que pour mon histoire de «degré zéro du site»: la majeure partie des blogs sont de niveau «degré zéro» ou sont des «non blogs», si par ce terme on désigné les formes «journal» ou «espace d'expression».

Je ne suis en revanche pas tout-à-fait d'accord sur la désignation de certain blogs de type «journal» comme «carnets intimes»: dès lors qu'un document est destiné à une diffusion publique il n'a pas caractère de carnet intime. On peut le décrire mieux comme «journal public axé sur l'intimité». Mais une «intimité» fabriquée, mise en scène, bref, une fausse intimité: des carnets à propos de «l'intimité», mais non pas intimes, sinon au sens où l'on parle de «confessions intimes» à propos de textes censés parler de l'intimité de l'auteur. Je ne suis pas trop d'accord non plus, mais l'auteur du texte a pris le soin de le mettre entre guillemets, sur la notion de blogs «adultes», car je ne pense pas que ça soit là que la différence se fait:l l'usage «conversationnel» des blogs est certes surtout le fait d'adolescents et de jeunes adultes, mais il en va de même de beaucoup d'usages des technologies récentes (et il en a été de même de longue date); mais comme dit, ne se limitent pas à cet usage et créent aussi des blogs «espace d'expression», des forums, des sites, etc. On pourrait à la rigueur catégoriser plus justement l'usage conversationnel comme «blogs jeunes», que les autres formes comme «blogs adultes».